La candidature audoise officiellement déposée à l'Unesco
Depuis plus de 12 ans, le conseil départemental de l’Aude a entrepris un vaste et ambitieux projet scientifique et territorial : l’inscription au patrimoine mondial de l’Unesco de huit monuments emblématiques, répartis entre les départements de l’Aude et de l’Ariège, que sont les fortifications de Carcassonne, les châteaux d’Aguilar, Lastours, Montségur, Peyrepertuse, Puilaurens, Quéribus et Termes. Cette démarche prend aujourd’hui un tournant décisif. Après un travail considérable de l’Association mission patrimoine mondial (AMPM) pour présenter le dossier de proposition d’inscription, la France a officiellement déposé cette candidature auprès du Centre du patrimoine mondial de l’Unesco, le 31 janvier dernier.
Cette étape cruciale franchie, Hélène Sandragné, la présidente du Département et Hervé Baro, président délégué de l’AMPM, ont convié les différents membres de l’AMPM au château de Villegly, ce mardi 11 février, pour préparer collectivement les prochaines étapes du dossier, dévoiler la nouvelle appellation grand public, et l’identité visuelle qui l'accompagne. "Nous donnons à cette candidature un nom porté par tous. Une dénomination que l’on retient, qui est historiquement juste et scientifiquement fondé", a commenté la présidente. Le système de forteresses de la sénéchaussée de Carcassonne (XIIIe - XIVe siècles), prendra désormais le nom grand public de "Forteresses royales du Languedoc", plus conforme à la réalité historique et plus simple à mémoriser que son acception scientifique. "Et ce, afin de permette une plus grande appropriation et une meilleure compréhension du grand public", a-t-elle poursuivi.
Les Forteresses royales…
Cet ensemble de forteresses constitue en effet l’un des exemples les plus significatifs et les mieux préservés de l’architecture militaire déployée par les rois de France au milieu du XIIIe siècle. En s’implantant dans la région en 1230, le pouvoir royal impose un modèle centralisé en créant une sénéchaussée, territoire administré par un représentant du roi – le sénéchal – qui regroupe les pouvoirs administratifs, juridiques et militaires.
Le pouvoir royal entreprend alors un vaste programme de fortifications. La cité de Carcassonne est dotée d’une double enceinte abritant un château, centre de commandement de la sénéchaussée. Parallèlement, une quinzaine de places fortes féodales, confisquées à des seigneurs locaux, sont entièrement reconstruites pour former un réseau autour de Carcassonne, à proximité de la nouvelle frontière avec le royaume d’Aragon-Catalogne. Le but étant d’assurer le contrôle du territoire et d’affirmer de façon spectaculaire l’autorité du roi.
Avant leur transformation, ces sites étaient le plus souvent des villages fortifiés, dominés par le château, parfois modeste, du seigneur local. Il ne reste presque plus rien de ces lieux de vie ayant parfois abrité des communautés cathares et des chevaliers opposés à la croisade et au roi.
… du Languedoc
Le mot "Languedoc" est une création de l’administration royale française pour désigner le territoire du sud de la France ajouté au domaine royal après la croisade contre les Albigeois. Il apparaît pour la première fois à la fin du XIIIe siècle dans une lettre du roi de France, pendant la mise en place du réseau fortifié. Il sert, dès l’origine, à désigner les possessions françaises situées à l’ouest du Rhône et à les distinguer de la Provence, située à l’est du fleuve.
Les bâtisseurs royaux réalisent des exploits pour adapter leur modèle de fortifications aux reliefs du pays, modèle conçu à l’origine pour les plaines du nord de la France. Cet ensemble de châteaux exceptionnels, prolongeant les falaises escarpées en faisant corps avec la roche, est unique en son genre et continue d’impressionner tous ceux qui parcourent les paysages de la Montagne Noire, des Corbières et des piémonts pyrénéens.
Le Languedoc évoque ainsi une région riche en histoire, en culture et en paysages encore préservés. C’est une terre de contrastes entre la Méditerranée, les montagnes, les plaines viticoles et des villes chargées en histoire. Pour ses habitants, l’attachement culturel y est très fort, un savoureux mélange de soleil, de vent et d’histoire, et un véritable art de vivre.
Une identité visuelle renouvelée
Le logo imaginé pour représenter les Forteresses royales du Languedoc entrelace les "O" de forteresses et royales pour représenter le chiffre 8, en référence aux huit sites qui composent le bien en série. Stylisé avec des irrégularités, ce huit tend à évoquer l’authenticité architecturale de ces châteaux et de leurs vestiges, marqués par l’Histoire.
La décision finale attendue dans 18 mois
Le dépôt de la candidature officielle par la France marque le commencement d’une phase de 18 mois d’expertise par une organisation internationale non-gouvernementale, l'ICOMOS, le Conseil international des monuments et des sites, avant la décision finale du Comité du patrimoine mondial, attendue à l’été 2026. "Nous sommes confiants, a reconnu Hervé Baro, président de l'association AMPM. Le travail a été important. La qualité du dossier a été reconnue comme assez exemplaire. Nous avons le soutien et l'appui de l'Etat français qui, au cours de ces 12 années, a progressivement changé son regard sur notre candidature au point, aujourd'hui, d'en faire la candidature de la France."
Inscrire un bien au patrimoine mondial de l’UNESCO, c’est le reconnaître et le protéger pour sa valeur universelle exceptionnelle. Ce classement vise ainsi à préserver ces monuments des menaces liées notamment au changement climatique ou aux aménagements modernes.
L’inscription au patrimoine mondial constitue surtout un levier de développement territorial considérable pour l’ensemble des collectivités concernées. À travers le déploiement d’un plan de gestion à l’échelle de chaque bien, il s’agit de trouver le juste équilibre entre développement territorial, préservation des patrimoines et des paysages, mise en valeur touristique et amélioration du cadre de vie des habitants.
Portée par le conseil départemental de l’Aude, ses partenaires et des experts, cette démarche valorise un héritage unique, démontré par des critères scientifiques rigoureux, dans le but de le transmettre aux générations futures.